Vends paire de boucles d’oreilles, neuves. 2 EUR.

Il y a des moments, dans ta vie, où ta capacité de jugement est altérée.

L’aptitude à avoir un sens critique se développe à l’évidence au fil des années, à en juger ton ancien goût prononcé pour la combinaison chaussettes+sandales que tu arborais crânement en CP.

Je n’évoquerai même pas l’adolescence, vaste période que je refoule volontiers, rapport à un t-shirt avec une seule manche – longue, bien sûr -, un slogan « love university » et des coutures à l’envers, que je chérissais puisqu’il laissait apparaître une bretelle de soutiff, preuve irréfutable de l’existence de mes seins.

Le temps passe et tu brûles regardes les anciennes photos de toi avec un petit sourire mi-triste, mi-victorieux.

Cependant les périodes où ta capacité à apprécier le beau et le bon décline, resurgissent de temps en temps, pour ton plus grand malheur. Quelques exemples puisque je te sens dubitative.

1.    Les soldes. Période d’achat compulsif où tu te dis que cette robe Z&V à 190 euros est une aubaine, oubliant ainsi que cette somme représente aussi ton budget alimentation du mois et qu’une robe Z&V n’est pas nécessaire à ta survie.

2.    La boutique souvenir à l’étranger, temple du non-jugement. Parce que tout est moche, tout est pas cher, tout est en Ringit et tu as oublié combien de Ringits fallait-il pour un euro. En revanche il en faut 25 pour ce T-shirt souvenir « I left my heart in Angkor Vat » (je sais on paye pas en Ringit au Cambodge, merci) et en plus, la vendeuse fait un « spechiol discount fo you ma fwien ». Alors, tu réfléchis, tu te dis que ça sera super d’avoir un souvenir et qu’au pire tu le mettras pour dormir. Au moment de payer, tu aperçois le stand de bijoux tous plus moches les uns que les autres, mais pour 2 ringits, tu en trouveras forcément un de potable. Tu choisis ainsi le plus joli de tous, oubliant que « plus joli » est surtout synonyme de « moins moche ». Une fois rentrée, tu te dis qu’il vaut mieux dormir avec ton t-shirt à une manche que tu as acheté en troisième plutôt qu’avec cet immondice de t shirt souvenir qui finira dans une benne croix-rouge pour être expédié dans un pays où les gens en auront plus besoin que ton placard déjà plein à craquer, au hasard, le Cambodge. Avec du recul, tu aurais du y laisser le Tshirt plutôt que ton cœur. Une semaine après ton retour, tu réalises également que tu aurais pu choisir ces boucles d’oreilles en jouant à trouver l’article le plus moche chez Claire’s avec une copine. Jeu auquel on a déjà évidemment toutes joué.

3.    Le moment où l’alcool prend le dessus. Alors tu oublies toutes tes valeurs, tous tes principes, ta pudeur, ta timidité. Tu oublies que faire une chorée sur Britney Spears est ridicule, que tu t’étais promis de ne pas textoter n’importe qui (ton ex, au pif), de ne pas textoter n’importe quoi (tu me manques, au pif, toujours), tu oublies que tu n’as jamais aimé le Ricard, et une fois que ta langue se mêle à celle du plus beau mec du bar, tu as encore oublié que « plus beau »= « moins moche », petite étourdie.

4.    Le jour où tu argumentes à toi-même que se raser est quand même plus rapide, plus pratique et plus économique, oubliant soudainement et magiquement que tu t’étais juré de seulement t’épiler jusqu’au restant de tes jours.

5.    En plein essayage dans une cabine. Là, mon amie, ton bon sens en prend pour son grade. Une fois le seuil de la cabine franchi, il faut savoir que nous n’avons plus aucune aptitude à être juge. Surtout à la seconde où on invente un ou plusieurs des arguments ci-dessous :
Je viens d’être payée
Je dois perdre une taille
Je trouverai bien un string à mettre en dessous sans que ça se voit
Elle est en solde (cf 1.)
Je n’ai plus rien à me mettre
C’est cette cabine avec son éclairage néon dégueulasse qui la rend pas parfaite
Il fallait bien que je trouve un haut assorti à mes nouvelles chaussures
Ca revient à la mode les fleurs et les rayures
Je pourrai toujours le ramener si je regrette
J’ai vraiment besoin d’une cinquante quatrième culotte
La vendeuse est vraiment sympa, elle a même dit qu’elle n’a jamais vu une cliente à qui ça allait aussi bien
C’est la crise, il faut bien que quelqu’un relance l’économie
C’est sûr que je trouverais une occaz pour mettre des lunettes de soleil en forme de guitares
Etc.

6.    Le jour où tu te dis que c’est trop hype d’avoir un blog. Puis un jour tu réalises et tu décrètes « C’est vraiment has been d’avoir un blog », alors tu arrêtes, fais tes adieux à tes cyberlecteurs et leur dis qu’un jour peut-être, tu continueras, sachant pertinemment que non et que tu viens juste de passer ta période « blog ».

Mais j’y suis pas je te rassure. (je parle du blog, hein, parce qu’avec mes boucles d’oreilles et mes nouvelles lunettes de soleil achetées après un verre de trop je fais moins la fière).

Faut dire, elles sont trop cools, et en plus elles étaient soldées...